J'ai conscience de ne pas porter toujours des tenues très féminines. Quoique "féminine" est une notion complexe à définir et propre à chacun. Mais disons que quand je porte de grosses godasses noires, des méduses en plastique, un sweat-shirt loose, une chemise à carreaux, une salopette, un pull licorne ou mon vieux Levi's 501 bien usé au cucul (pas tout en même temps, dieu merci), je me sens un peu grunge, un peu fun, un peu cool ou un peu vintage, oui, mais féminine en tant que tel, rarement. En plus, je ne porte quasiment jamais de bijoux, ça ne m'intéresse pas beaucoup. Je m'étais fait la résolution, il y a peu de temps, de m'habiller davantage "femme", parce-que-oui-j'ai-27-ans-quand-même. Chose qui ne veut pas dire grand chose car au final, mes goûts sont mes goûts et si je suis plus excitée à la vue de sandales à paillettes que d'escarpins super chics, et bien la nature est ainsi faite.


Tout ça pour dire que la tenue que je vous présente aujourd'hui, justement, est à mes yeux très féminine, avec des couleurs toutes douces. Je me sentais un peu différente, le jour où je l'ai portée, car pour une fois, il n'y avait pas la pièce un peu rustique ou boyish ou rigolote qui casse le truc, voyez ? Non, ici, tout fait fille pour de vrai. La jupe midi à fleurs, la chemise en jean ouverte, la taille marquée par une ceinture, le sac rose pastel à franges, les bottines camel, le petit bracelet, et même la coiffure sophistigligée (mot de ma composition issu de "sophistiqué" et "négligé", je crois que je vais déposer un copyright sur le concept) avec ces quelques mèches folâtres qui s'échappent comme de par hasard. Les filles font croire que c'est par hasard mais non, les mèches qui s'échappent sont TOUJOURS hypra calculées - trop c'est moche, pas assez aussi, tout est question de dosage capillaire. Je ne me livre que rarement à ce genre de coiffures car même si je trouve que c'est le summum du joli, je n'y connais rien en coiffures compliquées et ça me prend une plombe d'arriver à un truc à peu près potable. Et pour couronner le tout, je porte du rouge à lèvres, certes discret mais d'un framboise bien mignon.


J'adore cette association, d'inspiration un peu hippie / maison dans la prairie / bohème romantique. Et pour tout vous dire, je crois qu'elle a aussi été apprécié par la gent masculine, à mon grand embarras, car cela faisait fort longtemps que je n'avais pas été interpellée, klaxonnée ou miaulée (oui vous avez bien lu) de la sorte. C'était plutôt désagréable. Un garçon au look étudiant des beaux arts a même insisté pour me dessiner, il m'a laissé son numéro. Bon, lui, je ne le mets pas dans la case harcèlement de rue, car il était gentil et respectueux.


Bref, je n'ai pas trop compris ce qui se passait avec cette tenue pourtant simple et loin d'être sexy, j'ai même vérifié que ma jupe n'était pas coincée dans ma culotte mais non, elle était bien à sa place, largement en-dessous de mon genou. Tout ça m'a fait très bizarre, d'autant qu'il n'y a pas si longtemps, les hommes qui s'adressaient à moi dans la rue, c'était plutôt pour se moquer de mon acné. Il y en a quand même un qui m'avait draguée en disant : "Tu sais ce que j'aime chez toi ? C'est tes boutons, j'adore ça." Le pire, c'est qu'il avait l'air sincère. (Ça me rappelle que j'ai toujours l'intention de vous faire une compil' des meilleurs remarques entendues durant cette sombre période.)

Vous allez croire que je suis une gourou d'Emmaüs, mais figurez-vous que c'est ENCORE là-bas que j'ai trouvé cette jupe que j'aime de tout mon cœur et qui en plus a des poches, détail ultime ! Quant à ces boots, ce jour-là, je me suis promise de les jeter et je les ai maudites tout le long de mes pérégrinations en ville pour trouver un spot photo : je les ai tellement portée que les semelles sont réduites à néant et que je sens le moindre gravillon sous la plante de mes pieds, ouille...

Et pour vous, c'est quoi un look féminin ? Vaste question intersidérale, certes.

"Oh mais t'as un short en sac poubelle ?!" HAHAHA. A la décharge des auteurs (divers) de cette blague, effectivement, la matière... étrange de ce short peut laisser penser à un sac d'ordures ménagères. Perso, je préfère le voir comme un short de l'espace, tout simplement. Une de ces pièces originales qui sont assurées de conférer un look-pas-comme-tout-le-monde. Je l'ai déniché dans une boutique de Périgueux qui, pour cause de travaux, liquidait tous les articles à 15 €. Je répète, TOUS LES ARTICLES à 15 €. Chaussures, robes, manteaux, pantalons, tout quoi. Un beau magasin, en plus. Au passage, lectrices de Périgueux (vous êtes là ?), on peut trouver des choses fashion dans notre campagne, c'en est la preuve !

Tu connais le jaune plus que jaune que jaune ? Non ? Et bien c'est la couleur de ce col roulé. Je désamorce tout de suite la blague : non, je n'ai pas remporté une célèbre course cycliste. Je ne distribue pas non plus des annuaires. Moi, voyez-vous, je l'aime beaucoup ce haut jaune, parce qu'il est pétillant, ensoleillé, rigolo, plein de vie, il réveille quoi ! C'est une pièce qui affiche la couleur (haha) franco, sans nuances, sans se poser de questions. C'est un vêtement de fonceuse qui n'a peur de rien ! J'avoue, je ne le porte pas souvent. Il n'est pas très facile à accorder. Avec du noir ? J'ai peur de me transformer en abeille géante. Avec un truc à motifs ? Mieux vaut éviter le too much. Finalement, avec un jean, ça me paraît pas si mal. C'est très simple. Je l'aime bien aussi sous une salopette.

Et c'est drôle, parce que sans le vouloir, ce vêtement rentre pile dans la tendance seventies actuelle. D'une façon moins attendue et plus décalée que les longues jupes et les blouses imprimées du moment. Bon en vrai, je ne m'en étais pas du tout rendu compte. Ce sont mes parents qui m'en ont fait prendre conscience. "Ça fait très années 70, j'avais le même en orange", a réagi ma mère. "Moi aussi", a dit mon père, avant d'ajouter : "On transpirait là-dedans, c'était horrible."


Alors comment dire. C'EST SI VRAI. Inutile de compter porter ce machin là plus d'un jour. Ou lors d'une réunion stressante. Ou si vous devez courir à droite à gauche toute la journée. Ou s'ils annoncent plus de 13°C à la météo. Ou si vous êtes un claustrophobe du tissu moulant. Je ne parle même pas d'un rendez-vous galant avec celui ou celle qui fait battre votre cœur (en même temps, qui porterait ça à un premier rendez-vous ?). Non, définitivement, ce tissu synthétique n'est pas l'ami de vos aisselles.

Ah, et j'oubliais un détail essentiel : le jaune, il paraît que c'est LA couleur du printemps. Et cerise sur le cheesecake (un gâteau jaune t'as saisi), c'est encore une trouvaille d'Emmaüs à 0,50 €, un haut Petit Bateau tout neuf, taille 14 ans. (Combien de temps a-t-il végété dans l'armoire d'une ado qui refusait de porter ce truc offert par une tante ? J'aimerais connaître son histoire.)

Pour le décor, ces photos ont été prises dans la cour de la maison de mes grands-parents, le jour où j'ai réalisé le shooting avec la robe de mariée de ma mère. Ça tombe bien, y avait des pissenlits partout exactement de la même couleur. Alors, vous l'oseriez, vous, ce col roulé jaune pissenlit ?

Je vous propose aujourd'hui un article particulier. Je ne sais même pas dans quelle rubrique le classer. Ce n'est pas vraiment un look. Ce n'est pas non plus un voyage, ou alors dans le passé. C'est un mélange des deux. Une échappée poétique et très personnelle, que j'ai envie de vous faire partager (avec un petit creux dans le ventre).

Ce week-end, une idée saugrenue s'est emparée de moi : et si j'enfilais la robe de mariée de ma mère pour faire un shooting dans la vieille maison inhabitée de mes grands-parents ? (Normal.) (Enfiler la robe de mariée de sa mère, déjà... Une psy dans l'assistance ?) Alors j'ai demandé à ma maman si elle accepterait de prêter sa précieuse robe, soigneusement emballée dans du plastique et rangée au fond de son armoire, à la personne pas soignée du tout que je suis, pour aller la faire traîner sur des fauteuils sales et des sols poussiéreux. Bizarrement, elle a dit oui.

Me voilà donc moi, dans la robe (un peu trop grande) que portait ma mère quand elle s'est mariée. Elle avait mon âge, exactement, à quelques jours près. Vingt-sept ans et demi. C'est dingue ça d'ailleurs, parce que je le réalise au moment précis où j'écris ces lignes. Ai-je eu un déclic inconscient ? J'en ai des frissons... Ces photos, je les ai prises dans sa chambre de jeune fille, dont les meubles très anciens contrastent avec la tapisserie seventies qu'elle a choisie quand elle était adolescente.


Mon grand-père maternel est décédé il y a un an et quatre mois. Ma grand-mère, trois mois après lui. Ils étaient agriculteurs. Ma grand-mère avait toujours vécu dans cette maison. Elle appartenait à sa famille depuis 250 ans ! C'est fou. Je suis fascinée par ces pierres ébréchées, ces volets branlants, ces armoires massives, qui ont vu passer tant de vies, de drames, d'espoir, de résignation, de disputes, de bonheur, de maladies, de bébés qui crient... Mes grands-parents me manquent, même si je sais qu'ils sont partis à l'heure. Nous ne nous étions rapprochés que vers la fin. On se rapproche toujours vers la fin.

Je sens le besoin d'y retourner de temps en temps. Je prends des photos. La lumière est extraordinaire en fin de journée. Des rayons de soleil chargés de grains de poussière se fraient un chemin dans le silence. L'âme de cette maison est tellement profonde. Bientôt, si tout va bien, elle sera vendue. Ça me fait mal au cœur, c'est vrai, mais c'est ainsi. Je l'ai accepté. C'est le sens des choses. Peut-être qu'un jour, quelqu'un la rénovera avec amour. En attendant, j'en profite pour tout figer, tout immortaliser, avant que les odeurs, les souvenirs, les objets ne disparaissent. Et cette fois, j'ai eu envie de m'immortaliser, moi, au milieu de tout ça.


Sur ce fauteuil rouge, mon arrière-grand-mère a passé ses dernières années presque aveugle, assise là toute la journée. J'avais dix ans quand elle est morte. Dans ce lit, des bébés sont nés, des personnes sont mortes, d'autres ont dû se poser des questions existentielles avant de s'endormir, en regardant le plafond qui ne s'écaillait pas encore.

Pourquoi partager ce délire si intime sur internet ? Pour que tout ça continue d'exister. J'ai peur que certains membres de ma famille ne le voient pas d'un bon œil. Moi, je n'y vois rien de mal, juste un hommage, de la fierté, du respect et de l'amour. Il y a aussi une recherche esthétique. Je trouve l'atmosphère de cet endroit magique. Je voulais faire de belles photos symboliques, sans fioritures ni même sans déplacer les objets. Un travail de mémoire, presque. Je suis venue seule, j'ai utilisé un trépied. Merci mille fois maman, pour m'avoir prêtée ta belle robe, et pour être si gentille et disponible avec moi qui ne le suis pas toujours, je le sais bien...

Bon, et accessoirement (parce qu'on est sur un blog mode quand même), j'ai choisi de porter la robe de mariée avec des Stan Smith et des chaussettes à paillettes. Pour le côté 2015, quoi. Histoire d'apporter ma touche à moi dans ce schmilblick intergénérationnel...

J'espère sincèrement que cette série de photos pas comme les autres vous plaira.